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LAURENT LE BON
Intérieur. Hespérides est le fruit d’un long processus de recherches au cours duquel Pauline Bazignan s’est attachée à rendre sensible l’invisible... Lire la suite
 
MATTHIEU LELIEVRE
La fleur est un thème récurrent pour l’artiste mais il ne s’agit pas d’une réduction narrative ou symbolique à la fleur en tant que telle mais d’une concentration sur une manifestation frappante de simplicité et de puissance. Lire ici
 
DALILA DALLEAS BOUZAR
Un signe d'attention
 
MICKAEL FAURE
Propos recueillis à l'occasion de l'exposition "planètes"
 
AUGUSTIN BESNIER
En art, la répétition tend vers deux directions opposées. La première, extensive, vise la prolifération et confine à la formule. La seconde, intensive, relève de l'introspection et touche au rituel. De ces voies, Pauline Bazignan a suivi... Lire la suite
 
ANNABELLE GUGNON
À fleur de toile.
Peindre pour être au plus près possible de l’existence... Lire ici
 
PAULINE BAZIGNAN
Carnets (extraits)
textes
À FLEUR DE TOILE
 
L’horizon de Pauline Bazignan est vertical. Elle a, un jour, désorienté la ligne du temps pour la soustraire au destin et l’amarrer ailleurs, entre les forces de la terre et les aspirations de l’azur. En tension entre ces deux pôles : une fleur. Jamais la même mais toujours fleur. Les pigments se concentrent au milieu de la toile brute laissée à sa moire d’origine et ici, comme dans la peinture chinoise, les contours des couleurs révèlent le vide.
 
« Au début, il y a une fleur [...] Mais après, ce n’est plus cette fleur qui m’intéresse. Alors je l’efface en l’arrosant, en la frottant. L’eau dissout la peinture, et on ne voit plus rien. Au fur et à mesure le tableau apparaît dans sa simplicité, dans sa fragilité. Il n’y a presque plus rien sur la toile. C’est ce presque rien qui m’occupe, c’est presque rien, c’est tellement rien que parfois ça me fait peur », note Pauline Bazignan dans ses Carnets. Cependant, après une lente transformation, le tableau apparaît soudainement, la surprend et c’est alors que le rien peut s’apaiser et devenir du vide : la menace de l’effacement fait place à la possibilité de la présence, une densité de vie révélée par l’acte même de peindre.
 
« Les tableaux sont là, malgré moi », témoigne l’artiste.
Des tableaux toujours lestés par la coulure de la tige, un sillon qui cherche à s’ancrer le plus profondément possible dans le sol : « Je trouve que c’est miraculeux, ça coule et ça fait une tige. Ça nous rappelle qu’on est debout. » La tige s’apparente à une colonne vertébrale, celle qui permet à la corolle d’ouvrir ses pétales dans une éclosion jubilatoire. Une explosion qui n’est pas sans rappeler les libérations orgastiques de Cy Twombly. Matières, tensions, mais surtout énergie. Pétales de larmes ou pétales de joie, peu importe ; seule compte l’issue et il y est question de vie et de mort, de peindre pour être au plus près possible de l’existence, pour en toucher la profondeur et la douceur. Pauline Bazignan aime d’ailleurs citer le poème de Baudelaire, “l’Horloge” :
« Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi. »
 
Annabelle Gugnon - 2005
 














CARNETS (EXTRAITS)
 


La fleur, c’est très difficile la fleur. Au début, je les faisais de mémoire ou d’imagination sur du papier très mouillé. Je laissais peu de place à la tige, ce qui m’intéressait était la fleur en fait le dessin de la fleur. Je travaillais sur une surface mouillée, brillante comme la surface d’un lac seul le pinceau et la peinture qu’il déposait venaient troubler ce calme.
La question était de savoir comment dessiner une fleur. Puis est venue la question de la taille. Je voulais voir la fleur pousser grandir, éclore alors j’ai changé de format et changé de support. J’ai pris une toile en coton blanc trop fine.
 

- Interroge la peinture et l’art
Pourquoi peindre encore aujourd’hui ?
donc pourquoi peindre quelque chose qui ressemble à des fleurs
comment peut-on
Se référer au passé peinture de bonne femme.
Peindre aujourd’hui pour demain.
C’est osé
Paradoxal ??
 
S’exposer à des critiques
 

Besoin d’immédiateté
instantanéité
problème du temps
(tige qui coule)
 
J’avais un problème au début pour faire la tige. Je ne voulais pas la faire méticuleusement ni avec une règle je voulais qu’elle vienne tout de suite d’elle-même été 2003 alors que je travaillais j’ai fait une tâche qui a coulé. ma première tige est apparue. toute seule. dans son évidence et sa simplicitéelle évoque aussi beaucoup de choses de l’histoire de la peinture la coulure, dripping Pollock, bad painting etc. et aussi la liquidité le côté aqueux aquatique.
 

Présenter un tout petit tableau dans l’immensité.
Comme une trace d’un passage. Une absence et une présence à la fois
et peut-être pourquoi pas semer des tableaux.
Comme la trace d’une présence et d’une absence à la fois.
quelque chose de muet qui en dit long
Tableaux qui s’effacent qui disparaissent
 
antagoniste ?
le doute
 

est-ce que dans le fait de peindre « des fleurs » il n’y a pas l’acceptation (ou le devoir d’acceptation) que tout a déjà été dit (il ne faut pas essayer de faire du « nouveau »)
 

un fantôme
un spectre
le vide
l’anéantissement
 

La fleur renferme un mystère et une fragilité
une vulnérabilité
 

C’était quelque chose comme une urgence
Impossibilité de faire autrement.
 
Au moment où s’effectue la disparition
La chose devient présente
 

Être là
Être présent
Ne rien dire
 
Je dirai : le silence
 
Être là et ne pas être là
 
Pourquoi je n’arrive pas à dire les choses ?
Pourquoi je n’arrive pas à les convertir en mots ?
 

Tout est emprunt de doute
L’apparition
elle a lieu ou non.
Le tableau n’est pas à jeter si elle n’a pas lieu
parce qu’elle peut arriver bien plus tard
sans qu’on s’y attende.
 

pourquoi je peins des fleurs ? - Voir mourir un enfant.
pourquoi, quand j’ai peint la fleur, je mets de l’eau dessus ?
- Voir mourir son enfant.
 

être dans l’eau
 


Pauline Bazignan, 2004/2005
 

le silence
terre ciel eau feu
 
l’air
le silence et l’air
 
jeu de marelle ?
(quatre éléments
de la terre vers le ciel
sauter, sauter
retourner, sauter)
trace à la craie ; tout disparaît
avec la pluie, le vent et le soleil
sauter à cloche-pied
tomber peut-être
 
pas grand-chose à dire
être là et simplement exister
-------
 
Coulure
de l’eau de la couleur
un long cheminement
patience patience
rayonnement rond
tourner autour, couler
mouiller, arroser, couler
laisser sécher
 
Enflammer brûler brûler
laisser cuire
chauffer brûler
et sortir immaculé
 
Blanc goutte coule
poser rond
petit grand rayonner.
 
La répétition
tout simplement
faire
 
Les jours se ressemblent
un rituel ? Non
se concentrer
être soi-même
ne pas mentir
 
Chaque expérience est unique
pas après pas
 
les obsédés
les possédés
une seule chose
 
octobre 2010
 














La répétition, l’introspection, le rituel... Le travail de Pauline Bazignan a, depuis ses études à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, pris une dimension presque spirituelle en se concentrant sur le geste incarné dans des cercles concentriques, une façon pour elle de prendre le temps de s’immerger de façon hypnotique dans la matière. La fleur est un thème récurrent pour l’artiste mais il ne s’agit pas d’une réduction narrative ou symbolique à la fleur en tant que telle mais d’une concentration sur une manifestation frappante de simplicité et de puissance. Le geste comme trace-présence dans le monde vient s’incarner dans la rugosité du papier. Il ne s’agit pas d’une poésie bucolique mais d’une force unissant une double incarnation physique et terrestre ainsi qu’aérienne et spirituelle. John Cage se demandait «s’il (existe) plus grand héros que la moindre plante qui pousse ? ». De la même façon qu’une graine contient la plante, le motif de la fleur chez Pauline Bazignan semble pouvoir contenir le monde. D’une façon un peu similaire, l’orange dénudée de son écorce frappe par sa force paradoxale. Cette fausse fragilité est un autre équilibre caractéristique de l’œuvre de Pauline Bazignan. Passée à l’épreuve du feu, la sculpture apparaît comme une scorie du monde pour en rendre possible la renaissance. Ses œuvres ont été récemment exposées au 59e salon de Montrouge, à la Galerie Emmanuel Hervé et à la Galerie Pixi Marie Victoire Poliakoff.
 
Matthieu Lelièvre - 2015
 














Intérieur. Hespérides (2016) est le fruit d’un long processus de recherches au cours duquel Pauline Bazignan s’est attachée à rendre sensible l’invisible, la face cachée des choses. Après avoir épluché l’écorce d’une orange, l’artiste reconstitue avec précaution cette enveloppe organique et la remplit de terre liquide pour en révéler le vide et les aspérités. L’écorce brûle, la terre fusionne et de ce feu révélateur naît une série de céramiques. Les moulages d’agrumes évidés deviennent des intérieurs éclos, jouant sur les rapports entre le perceptible et l’imperceptible, l’apparence et l’essence. Après les fleurs-lignes, ces intérieurs-intérieurs, mâles et femelles, gangues aux précieuses columelles, tracent une nouvelle voie sculpturale dans l’œuvre de cette artiste exigeante. Intérieur semble être le produit d’un happening de l’empreinte.
 
Laurent Le Bon - 2016